En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies permettant de vous proposer des services et offres adaptés à vos centres d'intérêt et vous permettre l'utilisation de boutons de partages sociaux.En savoir plus et gérer ces paramètresFermer ×
Viol, famine, torture : 6 exemples accablants de crimes contre l'humanité en Corée du Nord
Les témoignages recueillis par les enquêteurs de l'ONU éclairent d'une lumière crue la torture, les viols, les enlèvements et les famines institutionnalisés par le régime nord-coréen de Kim Jong-Un.
Par Paul L.
Viols, tortures, enlèvements, famine organisée, avortements forcés... Le rapport des enquêteurs de la Commission de l'ONU sur la Corée du Nord est implacable. Avec ce premier document, publié lundi 17 février, ils voulaient faire la lumière "sur ce coin très sombre" du monde dirigé par Kim Jong-Un.
A travers les témoignages de plus de 80 personnes interrogées au cours d'audiences publiques et plus de 240 entretiens confidentiels avec des victimes et des témoins, c'est l'horreur institutionnalisée par le régime nord-coréen qui prend forme.
Une abondante et déjà ancienne littérature, alimentée par les ONG Human Right Watch et Amnesty International, documente les violations des droits de l'Homme en Corée du Nord. Mais l'ampleur des investigations menées par la Commission d'enquête de l'ONU en font un véritable événement.
Pour le président de la Commission de l'ONU, Michael Kirby, "nous devions raconter l'histoire véridique aussi douloureuse soit-elle" car c'est en racontant ces histoires "que les choses changent". Le "Nouvel Observateur" s'est plongé dans les témoignages publiés dans le rapport.
1Longues aiguilles, torture et extermination
Un ancien fonctionnaire de la SSD [Le département de la sécurité d'Etat, la police politique en charge des camps de prisonniers politiques, NDLR] décrit, dans le rapport de l'ONU, comment "une chambre spéciale pour la torture" a été installée dans un centre de détention et d'interrogatoire de la SSD.
"La chambre de torture était équipée de plusieurs réservoirs d'eau, dans lesquelles les suspects pouvaient être immergés jusqu'à la limite de la noyade. Il y avait aussi des chaînes sur les murs spécialement aménagées pour accrocher les gens à l'envers, pour la torture du pigeon." L'ancien fonctionnaire poursuit :
Divers autres instruments de torture étaient également fournis aux agents de la SSD : de longues aiguilles pour s'incruster sous les ongles 'des suspects' et un pot contenant un mélange de poivre, d'eau et piments destiné à être versé dans le nez de la victime."
D'autres prisonniers racontent avoir vu des membres de leur famille être assassinés dans les camps de prisonniers et des détenus sans défense être utilisés pour la pratique des arts martiaux.
La Commission affirme que "les actes inhumains" perpétrés dans les camps de prisonniers politiques en Corée du Nord se font "à une telle échelle et avec un tel niveau d'organisation" qu'ils constituent de fait "une attaque systématique et généralisée par l'État". N'importe quelle personne considérée comme une menace pour le système politique ou pour les leaders nord-coréens peut être incarcérée unilatéralement dans ces camps et être torturée.
"Les camps de prisonniers politiques ont été mis en place pour atteindre un objectif politique simple : l'extermination sur trois générations 'des ennemis l'Etat'", expliquent les enquêteurs. Les gardes et les autres autorités du camp sont d'ailleurs informés de cet objectif, qui avait été déterminé par Kim Il-sung lui-même, le premier dirigeant de la Corée du Nord, de 1948 à 1994. "Les camps continuent de servir cet objectif, tout en étant aussi utilisés pour purger la société de toute personne qui constitue une menace", peut-on lire dans le rapport.
2Viols "tolérés" et avortements forcés
Même si le régime interdit "tout rapprochement entre les détenus et les gardes", il semble, selon les enquêteurs, qu'une forme de "tolérance envers le viol des prisonnières" existe.
Ahn Myong-chol, un ancien gardien de prison, explique à la Commission que, contrairement aux gardes ordinaires, les officiers supérieurs et agents de la SSD pouvaient "s'en tirer après avoir abusé sexuellement d'une détenue". Tant que celle-ci ne tombait pas enceinte. "En cas de grossesse, le fonctionnaire est muté et la femme enceinte est envoyée aux travaux forcés dans les mines ou est exécutée secrètement. À une occasion, le commandant d'une unité a violé une femme qui est tombée enceinte et a donné naissance à un bébé. La mère a été placée en isolement et le bébé a été jeté aux chiens."
Ahn Myong Chol a relaté aussi le cas d'une jeune fille torturée et envoyée un camp de prisonniers politiques après avoir été violée par un garde :
Elle a été torturée. Ils ont appuyé sur sa poitrine un crochet chauffé à blanc. Ensuite, elle a été réaffectée au travail forcé dans une mine de charbon où elle a perdu ses deux jambes dans un accident".
Une des victimes témoigne aux enquêteurs avoir été envoyée à la prison politique n°18 alors qu'elle était déjà enceinte.
Vers la fin de la grossesse, un garde a décidé de déclencher l'accouchement prématurément. Lorsque l'enfant est né, les gardes ont battu la femme jusqu'à ce qu'ils puissent la séparer du bébé. Elle a perdu connaissance. Quand elle s'est réveillée, elle a retrouvé son bébé mort.
Le corps de l'enfant a été placé avec d'autres cadavres dans un entrepôt jusqu'à ce que suffisamment de corps soient accumulés pour que les autorités décident de les jeter dans une fosse commune.
Les enquêteurs de l'ONU disposent encore de nombreux témoignages qui décrivent l'utilisation de produits chimiques introduits dans le vagin des femmes pour les forcer à avorter dans certains centres.
"La douleur et la souffrance des victimes de viols et d'avortements forcés, qui sont incarcérées pour des raisons politiques et de façon discriminatoires, atteignent régulièrement le seuil de torture", expliquent les enquêteurs.
3Les croyants "arrêtés, capturés et châtiés"
"Mes deux sœurs ont été sévèrement punies pour leur croyance et leurs activités religieuses", raconte Monsieur A. aux enquêteurs. "Une de mes sœurs, interpellée en train de prêcher le christianisme à un ami, une Bible à la main, a été condamnée à une peine de 13 ans prison dans un camp. Ma seconde sœur a été capturée en Chine. A cause des conditions de vie épouvantables, ma première sœur a failli mourir en prison."
Elle a uniquement survécu parce que Monsieur A. a payé un pot de vin considérable pour la libérer après trois ans de détention. "Ma seconde sœur a été qualifiée de criminelle politique, car elle avait pratiqué le christianisme en Chine et avait également tenté de fuir vers la Corée du Sud. Elle a été envoyée dans camp politique. Elle n'a jamais été revue."
Les autorités nord-coréennes "utilisent des ressources considérables" pour "arrêter, capturer et châtier" les chrétiens et d'autres croyants, affirment les enquêteurs en se basant sur de nombreux témoignages. Pour le régime, la religion est avant tout "considérée comme l'opium du peuple, selon les mots de Karl Marx" et une menace pour la "stabilité du régime".
4La famine des années 1990 organisée
Les enquêteurs ont aussi établi que le régime nord-coréen a commis des crimes contre l'humanité par "l'instauration d'une famine étendue" dans le pays. La Commission de l'ONU fait référence à la famine qui a sévi en Corée du Nord au milieu des années 1990. Selon les témoignages, la lutte pour la survie a vite éliminé les plus faibles, handicapés, personnes âgées et jeunes enfants. Selon les estimations relayées dans le rapport, plus de 2,5 millions de personnes sont mortes sur une population de 20 millions entre 1994 et 1998.
Madame C. affirme que dans le sud de la province de Hamgyong, la distribution de rations de nourriture par l'Etat s'est arrêtée en 1994. Kim Kwang-il décrit la distribution alimentaire dans le sud de la province de Hamgyong : "Tout ce que j'avais à faire était de travailler pour que le gouvernement me donne du riz et de la nourriture. Et c'est ce que j'ai fait jusqu'en 1996, mais la distribution de nourriture s'est alors arrêtée. Puis les gens ont dû commencer à commettre des crimes et à voler pour trouver à manger."
"Les gens ne sont pas traités avec dignité en Corée du Nord, et parfois (ils sont considérés) comme des sous-hommes", estime Ji Seong-Ho, qui a perdu une main et une jambe à 14 ans, alors qu'il tentait de voler du charbon.
Selon les enquêteurs, la famine ne se serait pas arrêtée en 1998. Plus milliers de cas de personnes mortes de faim sont encore recensés en Corée du Nord en 2009. Surtout, l'aide internationale offerte a été largement détournée pour alimenter le budget de l'armée et acheter des avions de chasse, des missiles et pour aider à la construction de l'arme atomique.
5Enlèvements : les "fantômes de Pyongyang"
Dans les années 1970-80, des centaines de personnes ont disparu, enlevées par les services spéciaux de la Corée du Nord. Des hommes, des femmes, des enfants aussi, kidnappés sur ordre de Kim Jong-II, père de l'actuel "chef suprême" Kim Jong-Unet mort en 2011. Ils ont été capturés au Japon surtout, mais également en Europe et n'importe où dans le monde.
Ce sont les "fantômes de Pyongyang".
Le gouvernement japonais a identifié 17 kidnappés dont 12 seraient encore détenus et vivants. Des Libanais, des Roumains, des Italiens, des Thaïlandais et des Sud-Coréens figureraient également parmi les captifs. Et sans doute trois Françaises, kidnappées dans les années 70-80 par les services secrets nord-coréens.
6"Des expériences médicales et biologiques"
Dans son rapport, la Commission cite également des "allégations inquiétantes" concernant des essais médicaux notamment sur des handicapés dans une île de la province du Hamgyong du Sud.
"La Commission a aussi enquêté sur des allégations, suggérant que des prisonniers politiques ont été délibérément tués par les autorités étatiques au cours d'expériences médicales afin de tester l'impact des armes biologiques et chimiques". Elle indique n'avoir pas pu vérifier ces informations mais demande qu'une "attention particulière" soit portée à ces témoignages.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire