Moscou - Des milliers de Russes ont défié dimanche le Kremlin en manifestant dans tout le pays contre la corruption à l'appel de l'opposant Alexeï Navalny, interpellé à Moscou comme plusieurs centaines de ses partisans.
Dans la seule capitale, la police elle-même a décompté au moins 7.000 personnes, sur l'une des principales artères débouchant sur le Kremlin, ce qui en fait l'une des manifestations non autorisées les plus massives organisées ces dernières années.
Alexeï Navalny, qui compte affronter Vladimir Poutine lors de la présidentielle prévue début 2018, avait appelé à ces rassemblements après avoir publié un rapport accusant le Premier ministre Dmitri Medvedev de se trouver à la tête d'un empire immobilier financé par les oligarques.
Cette enquête sous forme de film, vu 11 millions de fois sur YouTube, n'a suscité aucune réaction des autorités, comme les autres publiées par l'organisation de M. Navalny, qui s'est imposé comme l'opposant numéro un au Kremlin en dénonçant la corruption des élites.
Malgré l'interdiction décrétée par les autorités, plusieurs milliers de personnes ont convergé à son appel dans plusieurs dizaines de villes en Russie, y compris en province où les expressions de mécontentement sont plus rares.
Certains brandissaient des chaussures de sport (le film évoquant les baskets colorées de M. Medvedev) ou des canards en plastique, en référence à la maison miniature dont disposerait selon M. Navalny le chef du gouvernement pour ses canards dans l'une de ses résidences.
A Moscou, les manifestants ont arpenté tout l'après-midi les trottoirs la rue Tverskaïa, l'une des principales avenues de la capitale, dans tous les sens, compliquant tout comptage.
"Tout le pays est fatigué de la corruption", a soupiré Natalia Demidova, manifestante de 50 ans, interrogée par l'AFP. "Medvedev aurait dû être limogé vu ce qui a été révélé".
"Ils volent et ils mentent mais les gens restent patients. Cette manifestation est une première impulsion pour que les gens commencent à agir", a expliqué Nikolaï Moïsseï, ouvrier de 26 ans.
Sur la place Pouchkine, sur l'itinéraire, où plusieurs milliers de personnes étaient massées, de nombreuses interpellations ont eu lieu, la police faisant usage de gaz au poivre et parfois de ses matraques, a constaté l'AFP.
"La Russie sans Poutine!", scandaient les manifestants.
Au total, la police a interpellé au moins 358 manifestants à Moscou et plusieurs dizaines en province, a affirmé l'organisation OVD-Info, spécialisée dans le monitoring des manifestations.
M. Navalny lui-même a été emmené par la police dès sa sortie du métro. "Tout va bien pour moi", a écrit l'opposant sur Twitter, appelant à continuer de manifester. "Le sujet aujourd'hui, c'est la lutte contre la corruption", a-t-il poursuivi.
Son organisation, le Fonds de lutte contre la corruption (FBK), a annoncé par ailleurs être visée par des perquisitions. "Tout le monde a été interpellé et emmené à la police", a rapporté la porte-parole de l'opposant, Kira Iarmych, sur Twitter, selon des informations préliminaires au motif de soupçons d'incitation à la haine.
- "Fatigué de la corruption" -
Malgré la mobilisation importante en plein centre ville de Moscou, les télévisions nationales gardaient le silence à ce sujet.
Alexeï Navalny, qui sillonne ces dernières semaines la province pour faire campagne malgré nombre d'incidents, avait appelé à manifester dans 99 villes de Russie. Dans 72 d'entre elles les autorités locales avaient interdit ces rassemblements pour divers motifs.
A Saint-Pétersbourg, deuxième ville du pays (nord-ouest), environ 4.000 personnes se sont réunies malgré l'interdiction des autorités et une présence policière massive, a constaté une journaliste de l'AFP.
"Nous sommes fatigués des mensonges, il faut faire quelque chose", a expliqué Sergueï Timoféïev, 23 ans.
En Sibérie, les médias locaux ont fait état d'environ 1.500 manifestants à Krasnoïarsk et Omsk et de 2.000 personnes réunies à Novossibirsk.
Alexeï Navalny, juriste de formation, dénonce depuis des années la corruption des élites en Russie sur son blog. Il a obtenu en octobre 2013 le score inattendu de 27,2% à l'élection municipale à Moscou mais sa candidature à la prochaine présidentielle risque de se voir entraver par sa récente condamnation à cinq ans de prison avec sursis pour détournement de fonds.
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